Légende urbaine démystifiée : Bugsy Siegel avait-il vraiment trois billets de 50$ sur lui à sa mort ?

Publié le 27 Septembre 2025

Légende urbaine démystifiée : Bugsy Siegel avait-il vraiment trois billets de 50$ sur lui à sa mort ?Légende urbaine démystifiée : Bugsy Siegel avait-il vraiment trois billets de 50$ sur lui à sa mort ?

Dans l'univers fascinant des superstitions de casino, peu de croyances sont aussi tenaces que la malédiction du billet de 50 dollars. Selon la légende, ce billet porterait malheur aux joueurs, et son origine remonterait à l'assassinat de Benjamin "Bugsy" Siegel, pionnier visionnaire de Las Vegas moderne. L'histoire raconte que lorsque le célèbre gangster fut abattu dans la luxueuse villa de sa petite amie à Beverly Hills le 20 juin 1947, la police aurait découvert trois billets de 50 dollars dans la poche de sa veste – un signe macabre indiquant qu'il s'agissait d'un règlement de comptes mafieux.

Cette histoire captivante, répétée dans d'innombrables casinos, forums de joueurs et même certains ouvrages sur Las Vegas, présente un seul problème : elle est complètement fausse. Une plongée dans les archives judiciaires, les rapports de police et les journaux d'époque révèle une tout autre réalité. Mais alors, d'où vient ce mythe persistant ? Et pourquoi tant de joueurs refusent-ils encore aujourd'hui de toucher un billet de 50 dollars ?

L'assassinat qui a changé Las Vegas

Pour comprendre ce mythe, il faut d'abord revenir sur l'événement lui-même. Le 20 juin 1947, vers 22 h 45, Benjamin "Bugsy" Siegel se trouvait dans le salon du 810 N. Linden Drive à Beverly Hills, la somptueuse demeure de sa compagne Virginia Hill. Assis confortablement sur le canapé en compagnie d'Allen Smiley, son associé, Siegel lisait tranquillement le Los Angeles Times, probablement inconscient que ces instants seraient ses derniers.

À l'extérieur, dans l'obscurité parfumée du jardin californien, un tueur avait pris position. Les enquêteurs ont par la suite reconstitué sa trajectoire : il était descendu d'une voiture en marche, avait remonté l'allée de la maison voisine et avait posé son arme – vraisemblablement une carabine militaire M1 de calibre 30 – sur un treillis pour stabiliser son tir. Puis, visant à travers la fenêtre du salon, il avait ouvert le feu.

Les détonations ont déchiré le silence paisible du quartier huppé. Neuf balles ont été tirées. Plusieurs ont traversé la fenêtre, frappant Siegel avec une précision mortelle. L'une d'elles lui a arraché l'œil droit, le projetant à plus de quatre mètres. La mort a été instantanée. Les photos de la scène de crime, aujourd'hui exposées au Mob Museum de Las Vegas, montrent le corps affaissé sur le canapé, le visage défiguré par l'impact des projectiles.

Le bruit des tirs a attiré les voisins dans les rues environnantes. Des dizaines de témoins se sont précipités dehors, mais aucun n'a pu fournir de description précise du véhicule qui s'éloignait à vive allure. Marque, modèle, couleur – tout demeurait flou. Le tueur avait disparu dans la nuit de Los Angeles, et son identité reste à ce jour un mystère. Le département de police de Beverly Hills classe toujours cette affaire comme non résolue, même si le meurtrier aurait aujourd'hui 98 ans s'il n'avait que 20 ans au moment des faits.

Ce que révèlent vraiment les archives

C'est ici que l'enquête sur le mythe des billets de 50 dollars devient fascinante. Contrairement à la légende, les documents officiels racontent une histoire très différente.

Le rapport du coroner du comté de Los Angeles, document officiel et méticuleux, dresse l'inventaire complet des effets personnels trouvés sur le corps de Bugsy Siegel. La liste comprend : un portefeuille, une montre, un porte-billets, un trousseau de six clés, une bague, une paire de boutons de manchette, et un objet mystérieux – une sorte de piston doré muni d'une aiguille dont la fonction n'a jamais été clairement établie (dispositif médical, arme, ou porte-bonheur défaillant ?).

Concernant l'argent, le rapport mentionne explicitement : 408 dollars en espèces. Cette somme a été restituée à la famille de Siegel le 27 juin 1947, une semaine après sa mort. Mais – et c'est crucial – le rapport ne fournit aucune ventilation des coupures. Il ne précise pas combien provenaient du portefeuille ou du porte-billets. Et surtout, il ne mentionne absolument pas trois billets de 50 dollars cachés dans une poche de veste.

La photographie officielle des effets personnels, conservée dans les archives de la bibliothèque publique de Los Angeles, confirme cette version. On y voit clairement les objets énumérés par le coroner, avec une flèche indiquant le trousseau de clés. Aucune référence visuelle ou textuelle à des billets de 50 dollars spécifiquement placés dans une poche.

Si trois billets de 50 dollars (soit 150 dollars) avaient réellement été trouvés, cela n'aurait représenté qu'une partie des 408 dollars saisis. Mais pourquoi les autorités auraient-elles noté avec précision le montant total sans mentionner un détail aussi symbolique et potentiellement significatif pour l'enquête ? La réponse est simple : parce que ce détail n'existait pas.

L'apparition tardive d'un mythe

L'aspect le plus révélateur de cette investigation concerne la chronologie du mythe lui-même. Une recherche exhaustive dans les 970 millions de pages archivées sur Newspapers.com – la plus vaste base de données de journaux numérisés au monde – ne révèle aucun article combinant "Bugsy Siegel" et "$50 bill(s)" avant novembre 2013.

C'est dans la chronique syndiquée "Deal Me In" du journaliste Mark Pilarski, publiée le 29 novembre 2013, que cette association apparaît pour la première fois dans la presse écrite. Répondant à la question d'un lecteur sur la superstition des billets de 50 dollars, Pilarski écrit : "La légende raconte que les mafieux avaient l'habitude de glisser des billets de 50 dollars dans les poches de veste des victimes qu'ils enterraient dans le désert. Bugsy Siegel en avait trois sur lui quand il a été éliminé par la mafia."

Soixante-six ans. C'est le délai entre l'assassinat de Siegel et la première mention écrite de cette "légende". Pour un événement qui a fait la une de tous les journaux américains en 1947, pour un meurtre qui a marqué l'histoire du crime organisé et de Las Vegas, cette absence documentaire est révélatrice. Si trois billets de 50 dollars avaient vraiment été découverts comme preuve d'un contrat mafieux, les journalistes de l'époque – avides de détails sensationnels – n'auraient certainement pas manqué de le rapporter.

L'hypothèse la plus probable ? Le mythe a circulé oralement pendant des années, peut-être des décennies, dans les casinos et parmi les joueurs, s'enrichissant et se déformant au fil des transmissions, avant de finalement atteindre la presse écrite. C'est le processus classique de création d'une légende urbaine : une histoire plausible, répétée suffisamment souvent, finit par acquérir le statut de "vérité" sans jamais avoir eu de fondement factuel.

Pourquoi ce mythe ne tient pas la route

Au-delà de l'absence de preuves documentaires, la logique même du mythe s'effondre sous l'examen. Imaginons un instant que la pratique mafieuse des "trois billets de 50 dollars" ait vraiment existé. Cela soulève des questions fondamentales.

Le problème des témoins. La villa de Virginia Hill n'était pas vide ce soir-là. Outre Allen Smiley qui se trouvait dans le salon avec Bugsy, la maison abritait Charles Hill (le frère de Virginia), Jerry Mason (la petite amie de Charles) et Eung S. Lee (le cuisinier de Virginia). Aucun d'entre eux n'a été blessé par les tirs, qui visaient spécifiquement Siegel.

Le bruit d'une carabine M1 de calibre 30 tirant à travers une fenêtre est assourdissant. Les voisins ont accouru de plusieurs pâtés de maisons. Comment un assassin professionnel aurait-il pu, après avoir commis son crime dans ce vacarme, retourner calmement vers la scène, forcer l'entrée d'une maison pleine de témoins potentiels encore sous le choc, fouiller les vêtements de sa victime et y placer trois billets spécifiques – le tout sans être vu ni capturé ?

Le risque insensé. Les tueurs à gages de la mafia n'étaient pas des amateurs romantiques. Leur travail consistait à éliminer une cible et à disparaître. Prendre le risque supplémentaire d'être identifié ou arrêté juste pour "envoyer un message" serait allé à l'encontre de toute logique professionnelle. Et quel message était-il nécessaire d'envoyer, de toute façon ?

L'inutilité du symbole. Admettons même que la pratique des billets de 50 dollars dans le désert ait existé. Son but supposé aurait été d'informer les policiers corrompus de ne pas poser de questions (ou de les soudoyer pour leur silence). Mais Bugsy Siegel n'a pas été enterré dans le désert. Son corps a été découvert immédiatement, dans une villa de Beverly Hills, dans un quartier huppé. Les médias, dès le lendemain, ont unanimement rapporté qu'il s'agissait vraisemblablement d'un contrat mafieux. Le Los Angeles Times, les agences de presse, les autorités – tous ont compris instantanément la nature du crime. Aucun "message codé" n'était nécessaire.

La vraie origine de la superstition du billet de 50 dollars

Si ce n'est pas l'assassinat de Bugsy Siegel qui a engendré la malédiction du billet de 50 dollars, d'où vient-elle vraiment ? L'histoire est plus ancienne et plus prosaïque.

Le cas Wild Bill Hickok. Une première piste remonte au Far West. Le 2 août 1876, le légendaire pistolero Wild Bill Hickok a été assassiné à Deadwood, dans le Dakota du Sud, d'une balle dans la nuque alors qu'il jouait au poker. Selon certaines versions, il aurait eu un billet de 50 dollars sur lui. Mais cette histoire est également un mythe.

Dans ses mémoires de 1915, "Hard Knocks: A Life Story of the Vanishing West", Harry "Sam" Young, le barman du saloon où Hickok a été tué, précise que le célèbre tireur possédait 50 dollars en jetons de poker, pas en billets. Cette confusion entre jetons et billets a peut-être contribué à l'émergence de la superstition.

Les contrefacteurs du XIXᵉ siècle. Mais la véritable raison de la méfiance envers les billets de 50 dollars est beaucoup plus pragmatique. Comme l'explique un article du Las Vegas Advisor de 2002, les billets de 50 dollars – à l'effigie du président Ulysses S. Grant – ont été massivement contrefaits aux XIXᵉ et début du XXᵉ siècle.

Pour les joueurs professionnels de poker de cette époque, accepter un billet de 50 dollars comportait un risque réel : celui de se retrouver avec un faux billet sans valeur. Par précaution, ils ont commencé à refuser systématiquement cette coupure. Avec le temps, cette pratique prudente s'est transformée en superstition, le billet de 50 dollars acquérant une réputation de "porte-malheur" qui a survécu bien après la disparition des faussaires.

Le cercle vicieux de la rareté. Comme le note l'article du Las Vegas Advisor : "Il y a aussi un autre aspect, de type 'poule et œuf', dans ce scénario. En partie parce qu'ils sont considérés comme porteurs de malchance, peu de billets de 50 dollars circulent ; par conséquent, ils deviennent plus inhabituels et méconnus, ce qui les rend encore plus suspects aux yeux des superstitieux."

Autrement dit : moins les gens utilisent les billets de 50 dollars à cause de la superstition, plus ils deviennent rares ; plus ils sont rares, plus ils semblent étranges ; plus ils semblent étranges, plus les gens superstitieux les évitent. Un cercle vicieux qui perpétue la croyance.

La persistance des mythes dans l'industrie du jeu

L'histoire du faux mythe de Bugsy Siegel illustre un phénomène plus large dans l'univers des casinos : la persistance de légendes urbaines qui façonnent les comportements des joueurs. Ces croyances, aussi infondées soient-elles, exercent une influence réelle sur les décisions et les rituels de jeu.

Pourquoi ces mythes survivent-ils ? Plusieurs facteurs psychologiques expliquent leur résilience :

La pensée magique est profondément ancrée dans la culture du jeu. Face à l'incertitude et au hasard, les joueurs cherchent des patterns, des explications, des moyens de contrôle – même illusoires. Les superstitions offrent ce sentiment de contrôle.

L'ancrage historique donne de la crédibilité. En rattachant une superstition à un événement réel et dramatique (comme l'assassinat de Bugsy Siegel), on lui confère une légitimité apparente. "Si c'est arrivé à Bugsy, ça doit être vrai !"

La transmission communautaire renforce la croyance. Quand un dealer expérimenté, un croupier vétéran, ou un joueur respecté répète le mythe, il acquiert une autorité. Les nouveaux venus l'adoptent sans questionnement.

Le biais de confirmation fait le reste. Si un joueur refuse un billet de 50 dollars et gagne ensuite, cela "prouve" que la superstition fonctionne. S'il accepte le billet et perd, cela confirme également la malédiction. Dans les deux cas, la croyance est renforcée.

Autres superstitions célèbres de casino

La malédiction du billet de 50 dollars n'est que l'une des nombreuses superstitions qui peuplent l'imaginaire des casinos. En voici quelques autres, tout aussi infondées mais tout aussi répandues :

Compter l'argent à la table porte malheur. Cette croyance, popularisée par la chanson de Kenny Rogers "The Gambler" ("You never count your money when you're sittin' at the table"), suggère que compter ses jetons pendant une partie attire la malchance. En réalité, c'est simplement une question d'étiquette : se concentrer sur son argent plutôt que sur le jeu est considéré comme impoli.

Croiser les jambes fait fuir la chance. Certains joueurs pensent que croiser les jambes "croise" leur chance et l'empêche de circuler. Aucune base rationnelle, évidemment, mais la croyance persiste.

Entrer par l'entrée principale du MGM Grand porte malheur. Pendant des années, l'entrée originale du MGM Grand de Las Vegas était une immense gueule de lion. Les joueurs asiatiques, pour qui passer dans la gueule d'un lion symbolise le fait d'être "dévoré", évitaient cette entrée. Le casino a fini par la retirer en 1998, reconnaissant l'impact réel de cette superstition sur sa clientèle.

Les femmes enceintes portent chance. À l'opposé, certains croient que la présence d'une femme enceinte à une table apporte la bonne fortune. Cette superstition positive n'a, bien sûr, aucun fondement statistique.

L'impact économique des superstitions

Aussi irrationnelles soient-elles, ces croyances ont des conséquences économiques tangibles. Les casinos et les institutions financières en tiennent compte dans leurs opérations.

Les distributeurs automatiques de billets dans les casinos dispensent rarement des billets de 50 dollars, privilégiant les coupures de 20 et 100 dollars. Pourquoi ? Parce que les clients superstitieux refuseraient de les utiliser, créant des frustrations et ralentissant le jeu.

Les caisses de casino gardent des stocks limités de billets de 50 dollars. Lorsqu'un joueur en reçoit un par erreur, il demande souvent à l'échanger immédiatement. Pour fluidifier les opérations, les casinos anticipent cette demande en minimisant l'utilisation de cette coupure.

La Réserve fédérale américaine elle-même produit moins de billets de 50 dollars que de toute autre grande coupure. En 2023, seulement 3,5 % des billets en circulation étaient des billets de 50 dollars, contre 21 % pour les billets de 20 dollars et 11 % pour les billets de 100 dollars. Cette faible production reflète en partie la faible demande, elle-même alimentée par les superstitions.

Certains économistes du comportement ont étudié ce phénomène comme exemple de "self-fulfilling prophecy" (prophétie autoréalisatrice). La croyance en la malchance du billet crée une réalité économique où il est effectivement désavantageux de le posséder – non par magie, mais parce que personne n'en veut.

Bugsy Siegel : l'héritage au-delà des mythes

Ironiquement, Benjamin "Bugsy" Siegel mérite d'être commémoré pour des raisons bien plus importantes que de faux billets de 50 dollars. Son véritable héritage a façonné Las Vegas et l'industrie mondiale du jeu.

Siegel n'a pas "inventé" Las Vegas – la ville existait avant lui, avec déjà quelques casinos modestes. Mais il a été le visionnaire qui a imaginé Las Vegas comme une destination de luxe, un paradis du divertissement qui attirerait les riches et les célébrités, pas seulement les joueurs locaux.

Le Flamingo Hotel, inauguré en décembre 1946 (six mois avant sa mort), incarnait cette vision. Avec ses 105 chambres luxueuses, sa piscine olympique, ses spectacles de cabaret et son casino élégant, le Flamingo a établi le modèle du "resort-casino" intégré qui définit encore Las Vegas aujourd'hui.

Certes, l'ouverture initiale fut un désastre. Les coûts de construction avaient explosé (en partie à cause du détournement de fonds par Siegel et ses associés), et la mafia new-yorkaise qui finançait le projet perdait patience. Mais après quelques mois de rodage, le Flamingo est devenu rentable, validant la vision de Siegel.

Sa mort en 1947 n'a pas stoppé l'élan. D'autres mobsters ont repris le flambeau, construisant le Desert Inn, le Sands, le Riviera – chacun plus grandiose que le précédent. Las Vegas était lancée sur la trajectoire qui en ferait la capitale mondiale du jeu.

Leçons pour les joueurs modernes

Que doivent retenir les joueurs d'aujourd'hui de cette démystification ?

La vérification des sources est essentielle. À l'ère d'Internet, les mythes se propagent plus vite que jamais. Avant d'adopter une croyance, une stratégie de jeu, ou une "technique infaillible", il vaut la peine de chercher des preuves concrètes. Les archives, les études statistiques, les sources primaires – ces outils permettent de séparer les faits de la fiction.

Les superstitions n'affectent pas les probabilités. Qu'on porte un porte-bonheur, qu'on évite certaines couleurs, ou qu'on refuse des billets de 50 dollars, les mathématiques du jeu restent identiques. La bille de la roulette, les cartes du blackjack, les rouleaux des machines à sous – aucun ne se soucie de nos rituels.

Mais les superstitions peuvent affecter notre état d'esprit. Si refuser un billet de 50 dollars nous permet de jouer avec plus de confiance et de sérénité, il n'y a aucun mal à suivre cette pratique. Le jeu responsable inclut aussi la santé mentale. L'important est de ne pas laisser les superstitions dicter des décisions financières importantes ou nous empêcher de profiter du jeu.

L'histoire du jeu est fascinante sans avoir besoin d'embellissements. La véritable histoire de Bugsy Siegel – gangster ambitieux, visionnaire du divertissement, victime d'un assassinat non résolu – est bien plus captivante que n'importe quel mythe de billets maudits.

Conclusion : la vérité derrière le mythe

Alors, résumons les faits : Benjamin "Bugsy" Siegel a été assassiné le 20 juin 1947 à Beverly Hills. Il avait 408 dollars en espèces sur lui au moment de sa mort. Aucun document officiel, aucun article de presse contemporain, aucune source crédible ne mentionne trois billets de 50 dollars dans sa poche. Cette "légende" n'apparaît dans la presse écrite qu'en 2013, soit 66 ans après les faits.

Le mythe du billet de 50 dollars maudit est bien plus ancien que Bugsy Siegel. Il remonte aux joueurs du XIXᵉ siècle qui refusaient ces billets par peur des contrefaçons. Cette prudence pragmatique s'est transformée en superstition, qui perdure aujourd'hui dans les casinos du monde entier.

Pourquoi ce mythe a-t-il été rattaché à Bugsy Siegel ? Probablement parce que son assassinat spectaculaire, son statut de figure mafieuse emblématique, et son rôle dans l'histoire de Las Vegas en faisaient le candidat parfait pour ancrer une légende. Les bons mythes ont besoin de personnages mémorables.

Mais la vérité, aussi décevante soit-elle pour les amateurs d'anecdotes macabres, mérite d'être connue. Non seulement par respect pour l'exactitude historique, mais aussi parce que comprendre comment naissent et se propagent ces mythes nous aide à mieux naviguer dans un monde saturé d'informations et de désinformations.

La prochaine fois qu'on vous racontera l'histoire des trois billets de 50 dollars de Bugsy Siegel dans un casino de Las Vegas, vous pourrez sourire et partager la vraie histoire. Et si quelqu'un vous tend un billet de 50 dollars, vous pouvez l'accepter sans crainte : la seule malchance que vous risquez, c'est d'avoir du mal à le dépenser parce que tout le monde croit encore au mythe.

Ulysses S. Grant, dont le portrait orne ce billet tant redouté, aurait certainement apprécié l'ironie : un président qui a combattu pour unifier une nation divisée se retrouve immortalisé sur la coupure la plus rejetée d'Amérique. Mais au moins, contrairement à Bugsy Siegel, sa réputation n'est pas entachée par de fausses légendes de billets maudits.

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